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Cumul des sanctions pénales et fiscales : retour sur l'extension du principe de proportionnalité

Cumul des sanctions pénales et fiscales : retour sur l'extension du principe de proportionnalité

Publié le : 24/01/2025 24 janvier janv. 01 2025

La fraude fiscale a un prix, et il n’est pas toujours celui que l’on espère économiser. L’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 22 mars 2023 le rappelle de façon intéressante.

En l’espèce, un expert-comptable exerçant en qualité d’entrepreneur individuel avait été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de fraude à la TVA et à l’impôt sur le revenu, pour des faits commis au titre des années fiscales 2009, 2010 et 2011. Le tribunal l’avait condamné à 12 mois d’emprisonnement avec publication de la décision à ses frais. Il avait alors interjeté appel en sollicitant la relaxe, au motif que cette répression se heurtait au principe de non bis in idem. Ce principe général du droit pénal, rappelé et garanti par plusieurs textes, édicte qu’une personne ne peut être punie deux fois pour les mêmes faits.  

La Cour de cassation, se fondant sur l’application combinée des articles 1729 et 1741 du Code général des impôts ainsi que sur des décisions du Conseil constitutionnel (n°2016-545 et 2016-546), souligne que le cumul des sanctions pénales et fiscales est possible, sous réserve que la gravité des faits soit démontrée. En effet, on ne parle pas d’une simple erreur de calcul sur la déclaration en ligne : la faute doit être prouvée par la réalisation de manœuvres frauduleuses ou des circonstances particulièrement aggravantes.

Toutefois, ce cumul présente certaines limites : le contribuable doit prévoir raisonnablement qu’il risque une double sanction pour ses agissements. Les règles du jeu doivent être suffisamment claires pour ce dernier, qui doit avoir conscience des risques endossés. De plus, la charge totale des sanctions pénales et fiscales ne doit pas dépasser la gravité de l’infraction commise. Ainsi, une peine d’emprisonnement doit être mise en balance avec une pénalité fiscale, et non plus simplement une amende pénale.

Par conséquent, encourt la cassation l’arrêt rendu par la Cour d’appel, qui avait omis de vérifier si le cumul des sanctions était proportionné à la fraude réalisée.

La décision de la Cour de cassation souligne l’importance cruciale de la proportionnalité entre des sanctions de nature différente, en particulier lorsqu’il s’agit de cumuler des sanctions fiscales et pénales. Si les pénalités fiscales peuvent être facilement quantifiées, évaluer l’impact d’une peine privative de liberté en termes d’équité reste un exercice délicat. Une peine d’emprisonnement, même aménagée, entraîne des conséquences humaines profondes, allant du « choc carcéral » à des répercussions durables sur la vie personnelle et familiale du condamné.

Cette problématique devient alors encore plus complexe avec des peines moins coercitives, telles que le port d’un bracelet électronique ou le sursis. Bien qu’atténuées, elles n’en demeurent pas moins privatives de liberté, ce qui pose la question de leur pondération dans l’évaluation globale des sanctions.

La Cour de renvoie est désormais investie d’une mission délicate : garantir un juste équilibre entre la fermeté nécessaire face à la fraude fiscale et le respect des droits fondamentaux des condamnés. Cette réflexion, au cœur de l’articulation entre sanction et justice, est un défi majeur pour assurer la cohérence et l’équité des décisions judiciaires dans des situations similaires.


Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 mars 2023, n°19-81.929
 

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